Faut-il une BBC à la française ?

À peine nommée au gouvernement, Rachida Dati annonce le 31 janvier sur France Inter vouloir créer une « BBC à la française ». Une fois de plus, la réforme de l’audiovisuel public revient sur le devant de la scène. Mais pourquoi la BBC ? Parce que la « Beeb » est la plus vieille société publique de radiodiffusion au monde. Créée en 1922, elle reste pour beaucoup un modèle d’excellence.

Cependant, Madame la ministre oublie que cette vieille dame de 102 ans a été conçue et développée comme une société indépendante et intégrée, avec une forte culture d’entreprise. Cela en fait une institution incontournable au Royaume-Uni, financée majoritairement par la redevance.

En France, il n’existe rien de comparable. Pas de culture d’entreprise unique, mais des sociétés de l’audiovisuel public qui ont chacune construit leur propre identité. Une fusion forcée irait forcément à l’encontre de l’histoire des entités publiques françaises. Voilà pourquoi les syndicats redoutent, à juste titre, une casse sociale. Regardons la BBC. Depuis 2010, la reine des entreprises de l’audiovisuel public a vu son budget réduit de 30 % et a perdu 1800 emplois. Est-ce cela que souhaite le gouvernement ?

En France, la ministre de la Culture affirme vouloir créer un audiovisuel public fort. Nous y sommes tous favorables. Pourtant, Rachida Dati reconnaît elle-même que l’objectif est de faire des économies. Alors, que veut vraiment le gouvernement ?

À INPD, nous souhaitons un service public fort, indépendant et financé de manière pérenne. Parlons du financement. De notre côté du Channel, où en est cette question ? La redevance ayant disparu, rien ne garantit aujourd’hui le budget de l’audiovisuel public, et donc, son indépendance. Si le gouvernement prend la BBC comme modèle, qu’il commence par rétablir un mode de financement clair, transparent et pérenne.

À ce stade, rien dans la stratégie gouvernementale portée par Rachida Dati ne répond à nos attentes. Quelle que soit la réforme, la société qui accueillera tout ou partie des entités publiques le 1er janvier 2026 risque de n’être qu’une coquille vide. Sa création pourrait créer des tensions inutiles, menacer l’emploi et appauvrir encore l’offre médiatique. En région, la fusion entre France Bleu et France 3 nuit déjà à un pluralisme précaire. Au niveau national, le gouvernement devrait accroître la diversité des médias publics, et non agir à l’inverse. Avec la concentration des médias, l’accès des citoyens à une information plurielle, indépendante et de qualité pour se forger une opinion éclairée devient difficile.

Espérons que le projet de « BBC à la française » porté par Rachida Dati n’égratigne pas, une fois de plus, cette pierre angulaire de notre démocratie.