Vendredi 10 juin, la rédaction d’iTélé a adopté à une très large majorité une motion de défiance contre sa direction. Selon les résultats publiés par la Société des journalistes, les chiffres sont sans appel : 89,5% des votants se sont prononcés pour la motion de défiance avec une participation de 88 % des salariés. Ces chiffres sont la conséquence des choix éditoriaux du groupe Canal+ qui n’a cessé, ces derniers mois, de bafouer l’indépendance des journalistes et de piétiner la liberté d’informer.
Le 24 mai dernier, Serge Nedjar, directeur de Direct Matin, propriété du groupe Bolloré mais également responsable de sa régie publicitaire, est nommé à la tête de la chaîne d’information. Le 1er juin, lors d’un entretien avec le président de la SDJ d’iTélé, Serge Nedjar affirme « vouloir faire rentrer de la pub en réalisant des programmes pour les sponsors ». Le président de la SDJ d’iTélé, qui rapporte ces propos, souligne alors l’incompatibilité entre le publireportage et le traitement équitable de l’information. Serge Nedjar lui répond ainsi : « Vous ferez ce qu’on vous dit. Il n’y a pas de discussion. L’argent doit rentrer. Des journalistes comme vous, j’en ai vu en presse écrite et ils sont aujourd’hui au chômage. Il va falloir que les mentalités changent. »
Les choix éditoriaux du nouveau directeur d’iTélé sont visiblement assumés par la direction du groupe Canal+, qui a renouvelé sa confiance à Serge Nedjar à la suite du vote de la motion de défiance. Ces choix portent une nouvelle fois atteinte à l’indépendance des journalistes du groupe. Mais ce mélange des genres entre publicité et information n’est pas un fait nouveau au sein du groupe Canal+, propriété du groupe Vivendi. Un publireportage estampillé « documentaire » a ainsi été diffusé en octobre dernier sur la chaîne D8 et en décembre sur Canal + Sport, au mépris des règles du CSA qui interdit toute forme de publicité clandestine. Ce « documentaire », réalisé sur le tournoi de foot « Danone nations cup » et intitulé « Playground, croire en ses rêves », était en réalité une publicité clandestine au profit de la marque Danone. Il a été financé par le géant de l’agro-alimentaire et produit par l’agence de publicité Havas, autre propriété du groupe Vivendi.
Or, la charte d’éthique professionnelle des journalistes précise que: « le journalisme consiste à rechercher, vérifier, situer dans son contexte, hiérarchiser (…) commenter et publier une information de qualité; il ne peut se confondre avec la communication. »
Dans ce contexte, le collectif Informer N’est Pas Un Délit estime que la « synergie » souhaitée par Vincent Bolloré ne peut s’affranchir du strict respect des lois et des règles déontologiques qui régissent les métiers de l’information.
Vincent Bolloré semble, par ailleurs, s’être lancé dans une guérilla personnelle contre certains de nos confrères. Le 3 juin dernier, lors de l’Assemblée générale des actionnaires de Vivendi, le président du Conseil de surveillance a ainsi accusé à tort un journaliste de France 2 d’avoir menti et corrompu certaines de ses sources afin de salir sa réputation dans le cadre d’un documentaire réalisé pour Complément d’Enquête. Le collectif Informer N’est Pas Un Délit condamne ce genre d’intimidation et dénonce fermement des méthodes « barbouzardes » qui relèvent de la diffamation.
Le collectif Informer N’est Pas Un Délit rappelle également que les responsables de Canal+ se sont illustrés ces derniers mois en censurant plusieurs enquêtes et documentaires. Le 23 septembre 2015, nous en avons apporté la preuve au CSA, en demandant au gendarme de l’audiovisuel d’ouvrir une enquête. Sans succès !
Face aux pressions et aux menaces répétées que subissent des journalistes qui travaillent pour les groupes Canal+ ou France Télévisions, le collectif Informer N’est Pas Un Délit demande à nouveau au CSA d’ouvrir une enquête sur des pratiques que nous jugeons inacceptables et qui bafouent les principes du métier de journaliste fondés sur l’indépendance et le respect des règles de déontologie.
Trop, c’est trop !
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Informer N’est Pas Un Délit est un collectif qui regroupe plus d’une centaine de journalistes issus de différents médias dont Mediapart, France 2, France 3, Europe 1, M6, France Inter, Le Monde ou encore Télérama. Il fédère également de nombreuses Sociétés de journalistes (TF1, France 2, iTélé/Canal +, Le Monde, L’Humanité, France 24, etc…)