Menaces sur la liberté de la presse

Hemicycle du Sénat
©Sénat

Les sociétés de journalistes de 24 médias s’inquiètent du projet de loi intitulé « égalité et citoyenneté », examiné par le Sénat. Les sénateurs envisagent notamment de supprimer le principe de la prescription des délits de presse, comme la diffamation.

Les sociétés des journalistes signataires font part de leur vive inquiétude à propos du projet de loi intitulé «égalité et citoyenneté» qui pourrait réduire dangereusement la liberté de la presse.

Ce texte est examiné par le Sénat depuis mardi. Il entend vider de son contenu la loi du 29 juillet 1881, sous couvert de lutter contre les abus d’Internet. Le Sénat s’apprête à remettre en cause ce texte fondateur sans concertation préalable avec les représentants des journalistes.

De quoi s’agit-il ? Les sénateurs envisagent notamment de jeter à la poubelle le principe de la prescription des délits de presse – à commencer par la diffamation – au bout de trois mois, à compter de la date de publication: sur le support Internet, ces infractions deviendraient, de fait, imprescriptibles, au même titre que les crimes contre l’humanité.

Ainsi, les contenus audiovisuels rediffusés ou disponibles conjointement en ligne (podcasts, replays, etc.), pourront être poursuivis indéfiniment, ce qui introduit une discrimination manifeste entre les médias et les supports. De même, selon le texte sénatorial, la presse en ligne, uniquement disponible sur Internet, se trouve totalement discriminée par rapport à la presse diffusée à la fois sur support papier et Internet, puisqu’elle sera, par nature, exclue de la prescription trimestrielle et soumise à un risque d’action tant que ses articles seront en ligne.

Par ailleurs, le texte prévoit de supprimer une garantie fondamentale des droits de la défense, reconnue comme telle par le Conseil constitutionnel. Aujourd’hui, c’est à celui qui s’estime diffamé ou injurié de préciser exactement par quel passage, et de qualifier le délit (injure, diffamation ou autre). S’il se trompe, son action est déclarée nulle par le tribunal. Ce système, très protecteur de la liberté de la presse, est remis en cause par le Sénat qui ouvre la voie à des poursuites judiciaires dans lesquelles le journaliste devra se défendre sans savoir exactement ce qui lui est reproché.

Enfin, les sénateurs entendent autoriser le contournement de la loi de 1881, en permettant les actions en justice sur le fondement d’une simple faute civile. Du coup, toute personne, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’une entreprise, pourra exiger des dommages et intérêts pour un article qui lui déplaira.

Nous, sociétés des journalistes, appelons tous les titres à nous rejoindre pour se mobiliser contre ce projet de loi liberticide, qui met en péril l’un des piliers de la démocratie, consacré par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’Homme.

Les SDJ des médias : Le Figaro, Le Monde, Les Échos, Libération, L’Humanité, Médiapart, Le Point, Télérama, L’Obs, TF1, France 2, BFM, Franceinfo.fr, i-Télé/Canal+, France 24, Europe 1, RTL, RFI, Capa, Premières lignes, Alternatives économiques, l’AEF, Bastamag, agence TV Presse Productions.

Procès Bettencourt : les journalistes n’ont fait que leur métier

Cinq journalistes, dont Fabrice Arfi, membre du Collectif Informer n’est pas un délit, doivent comparaître cette semaine devant le tribunal de Bordeaux dans le cadre du procès Bettencourt. Pour avoir révélé les enregistrements clandestins qui sont à l’origine de l’affaire, ces cinq journalistes sont aujourd’hui poursuivis pour « recel d’atteinte à l’intimité de la vie privée ». Derrière ce procès, c’est une certaine idée de la presse qui est en jeu.

La justice reproche à ces cinq journalistes d’avoir révélé des enregistrements qu’elle a, elle-même, utilisés pour condamner plusieurs personnes, dont certaines à de la prison ferme. Dans cette affaire, rien ne peut donc justifier que nos confrères soient poursuivis. Ils n’ont fait que leur métier en publiant des informations d’intérêt général.

Le collectif « Informer n’est pas un délit », qui a pour vocation de lutter contre toutes les atteintes à la liberté d’informer, leur apporte donc tout son soutien. Il ne s’agit pas là d’une lutte corporatiste mais d’un combat citoyen au service de la liberté d’informer.