Lettre ouverte à E. Macron sur le statut des lanceurs d’alerte

Monsieur le Président de la République,

La France a adopté en 2016, avec la Loi dite Sapin 2, une législation pionnière en matière de protection pour les lanceurs et lanceuses d’alerte. C’est en s’appuyant sur ses équilibres et ses acquis que nos organisations ont obtenu l’adoption en octobre dernier de la première directive européenne en leur faveur. Cette directive reprend l’essentiel des avancées de la loi française, mais offre également une opportunité de pallier les limites de cette dernière et de l’amender. Elle comporte une « clause de non régression », qui garantit l’objectif démocratique de renforcement des protections des lanceurs d’alerte lors de sa transposition.

Nous avons désormais deux ans maximum pour transposer la directive en droit français. Mobilisés depuis de longues années sur le sujet, nous souhaitons, du fait de l’expertise de nos structures, être partie prenante de la transposition et par conséquent être associés en amont. La transposition d’une directive est en effet un exercice de mise en œuvre politique autant que juridique, et nous tenons à ce que la France soit exemplaire en se dotant d’un des meilleurs standards de protection des lanceurs et lanceuses d’alerte dans les meilleurs délais.

C’est pourquoi nous souhaitons attirer votre attention sur plusieurs points.

En premier lieu et comme la directive le préconise, il convient de préserver les avancées de la Loi Sapin 2 et notamment une définition large du lanceur d’alerte, qui inclut le signalement des violations du droit et les menaces ou préjudices graves pour l’intérêt général. La Loi Sapin 2 a permis de simplifier le mille-feuille juridique complexe et incohérent avec des droits d’alerte variant en fonction du domaine concerné ; nous tenons à conserver le champ matériel global de la Loi Sapin 2, ainsi qu’une législation protégeant tous les lanceurs d’alerte, que leur alerte s’inscrive ou non dans le cadre professionnel.

Le législateur européen a tenu à aller plus loin que la loi française sur plusieurs aspects, et la directive commande de revoir notre droit national sur plusieurs points déterminants. D’abord la mise en place d’une procédure d’alerte à 2 paliers au lieu de 3 en France, permettant aux lanceurs d’alerte de choisir soit le dispositif de leur entreprise/administration soit une autorité externe (autorité judiciaire ou administrative, nationale ou européenne).

Des délais précis sont instaurés pour traiter l’alerte et les possibilités de révélation publique sont élargies en cas de risques de représailles, de destruction de preuves ou de conflits d’intérêts de l’autorité externe.

Les critères pour être reconnu et protégé comme lanceur d’alerte sont clarifiés, avec l’exigence d’être « de bonne foi » et de respecter la procédure d’alerte. Les critères subjectifs créateurs d’insécurité juridique – la nécessité d’être désintéressé et d’avoir une connaissance personnelle des faits révélés – sont écartés. Nos organisations considèrent qu’il s’agit d’une avancée, dès lors que demeure formellement exclue la rémunération des lanceurs d’alerte.

La directive conforte l’exerce plein et entier du droit syndical et notamment le droit de tout travailleur à être défendu et accompagné par un représentant du personnel ou un syndicat dans le cadre de cette procédure d’alerte. Elle y ajoute la possibilité pour le lanceur d’alerte d’être accompagné par un « facilitateur », collègue, élu ou encore organisation syndicale, qui pourra alors bénéficier des mêmes protections que le lanceur d’alerte. Enfin, elle prévoit, outre la réparation intégrale des dommages et l’aménagement de la charge de la preuve, un renforcement de la protection des lanceurs d’alerte avec le droit d’accéder à une assistance juridique indépendante et gratuite et la création d’une nouvelle sanction pour les auteurs de représailles.

Pour faire de la France une référence internationale sur le sujet et achever la rationalisation et l’effectivité de notre législation, nous souhaitons que la transposition de la directive soit aussi l’occasion d’intégrer les préconisations du Conseil de l’Europe[1].
Nous proposons notamment que le statut de lanceur d’alerte soit élargi aux personnes morales, de façon à favoriser le « portage d’alerte » dans le but d’éviter d’exposer des individus fragilisés et isolés. Il nous semble également nécessaire que la définition du facilitateur soit étendue aux ONG dont la mission est l’alerte éthique, de façon que nos organisations et singulièrement la Maison des Lanceurs d’Alerte, puissent conseiller et accompagner les lanceurs d’alerte. Enfin nous préconisons le renforcement des missions et des moyens du Défenseur des droits, la création d’un fonds de soutien (abondé par les amendes) et l’octroi du droit d’asile aux lanceurs d’alerte.

Avec cette directive nous avons la possibilité de montrer une Europe qui protège les droits fondamentaux et garantit les libertés. C’est d’autant plus nécessaire que, comme nous le craignions, la mise en place du secret des affaires se traduit par un recul de l’information citoyenne sur l’activité des entreprises et des institutions, à l’image de l’affaire « implant files », dans laquelle des journalistes du Monde se sont vu refuser l’accès à des documents administratifs ayant trait à la santé publique au motif du secret des affaires. La transposition de cette directive est une opportunité pour construire un État exemplaire, qui lutte activement contre la corruption et toute atteinte à l’intérêt général, en garantissant aux citoyens les droits et moyens de s’informer et d’agir.

Nous veillerons à ce que cette transposition soit rapide et à la hauteur de ces enjeux.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre haute considération.

[1] Conseil de l’Europe, Résolution 2300 (2019), rapporteur M. Sylvain Waserman

Les signataires

Patrick Appel-Muller, directeur de la rédaction de l’Humanité
Arnaud Apoteker, délégué général de Justice Pesticides
Éric Beynel et Cécile Gondard-Lalanne, porte-paroles de l’union syndicale Solidaires
Sophie Binet et Marie-José Kotlicki, cosecrétaires générales de l’Ugict-CGT
Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente de CCFD Terre Solidaire
Nadège Buquet et Jacques Testart coprésidents de la Maison des Lanceurs d’Alerte
Brigitte de Chateau Thierry, Présidente de la CFTC Cadres
Maxime Combes et Aurélie Trouvé, porte-paroles d’Attac France
Sandra Cossart, directrice de Sherpa
Luc de Rome, président d’Action Aid France
Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France
Malthilde Dupré, codirectrice de l’Institut Veblen
Guillaume Duval, président du Collectif éthique sur l’étiquette
Marc André Feffer, président de Transparency International France
Joël Ferbus, secrétaire d’Alerte Phonegate
Bénédicte Fumey, porte-parole de Pacte Civique
Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre France
Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU
François Hommeril, président de la CGC
Informer n’est pas un délit
Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch France
Kévin Jean, président des Sciences Citoyennes
Jean-François Julliard, directeur exécutif à Greenpeace France
Nicolas Laarman, délégué général de Pollinis
Elliot Lepers, directeur exécutif ONG ̃ Le mouvement
Laurent Mahieu, secrétaire général de la CFDT Cadres
Jean-Louis Marolleau, secrétaire exécutif du Réseau Foi et Justice Afrique Europe
Patrick Monfort, secrétaire général du SNCS-FSU
Laëtitia Moreau, présidente de la SCAM
Jérôme Morin, secrétaire général de la F3C CFDT
Éric Peres, secrétaire général de FO Cadres
Olivier Petitjean, coordinateur de l’Observatoire des multinationales
Jean-Christophe Picard, président de ANTICOR
Martin Pigeon, Corporate Europe Observatory
Edwy Plenel, directeur de Mediapart
Emmanuel Poilane, président du CRID
Julie Potier, directrice de Bio consom’acteurs
Grégoire Pouget, président de Nothing2Hide
Emmanuel Poupard, premier secrétaire général du SNJ
Lison Rehbinder, coordinatrice de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires
Fabrice Rizzoli, président de Crim’Halt
Laurence Roques, présidente du Syndicat des Avocats de France (SAF)
Sabine Rosset, directrice de BLOOM
Malik Salemkour, président de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH)
Société des journalistes et du personnel de Libération
Société des journalistes des Échos
Société des journalistes de 20 Minutes
Henri Sterdyniak, Les économistes atterrés
Lihame Taoufiqi, vice-présidente SKJ TV5 Monde
Pauline Tetillon, coprésidente de Survie
Jacques Testart, coprésident de la MLA
Antoine Tinel, gérant de la Société civile des journalistes de Sud-Ouest
Christian Vélot, président du Conseil scientifique de CRIIGEN
Emmanuel Vire, secrétaire général du SNJ-CGT
Marie Youakim, coprésidente de RITIMO

Société civile contre secret des affaires

 

La transposition en droit français de la directive européenne protégeant le secret des affaires, en juillet 2018, avait fait planer une menace sur nos libertés fondamentales et provoqué une levée de boucliers de la société civile.

Alors que les défendeurs de ce texte avaient assuré qu’il ne porterait pas atteinte à la liberté de la presse et au droit à l’information, quatre mois après la transposition, le journal Le Monde devait d’ores et déjà voir sa capacité d’investigation entravée. Dans le cadre de l’enquête « Implant Files », qui a révélé que les dispositifs médicaux (défibrillateurs, pompes à insuline, prothèses de hanche) ont fait des centaines de morts, le journal s’est vu refuser l’accès à la liste des dispositifs ayant reçu un certificat de conformité.

Ce refus est basé sur le secret des affaires.

La CADA, dans une décision inique, estimait que les secrets pèsent plus lourd que le droit à la santé, l’information et la protection des citoyens et confirmait les craintes légitimes de la Société civile au moment de l’adoption de ce texte.

Pourtant, la loi elle-même prévoit que le secret des affaires ne peut pas être opposé aux médias, aux lanceurs d’alerte et aux syndicats, des acteurs essentiels de toute démocratie.

Le Monde a contesté ce refus devant le Tribunal administratif de Paris.

Le 27 juin 2019, 36 associations et médias ont décidé d’intervenir dans ce litige pour demander à la Justice qu’elle protège la liberté de la presse, à plus forte raison lorsqu’elle enquête sur un sujet d’intérêt général aussi important que la santé.

Plus d’informations sur https://societecivilecontresecretaffaires.org

Partie intervenantes : Association des Journalistes Économiques et Financiers (AJEF), Association des Journalistes de l’Information Sociale (AJIS), Les Amis de la Terre France, Anticor, Attac France, Bloom, CCFD-Terre Solidaire, Collectif Ethique sur l’étiquette, Formindep, I-Buycott, Informer n’est pas un délit, Ingénieurs Sans Frontières (AGRISTA), Institut Veblen pour les réformes économiques, Les Jours, Ligue française de défense des droits de l’Homme (LDH), Lyon Capitale, Nothing2hide, Ouvre-Boîte, Pollinis France, Reporters Sans Frontières, Ritimo, Sciences Citoyennes, Société des journalistes de l’AFP, Société des journalistes de Challenges, Société des journalistes de M6, Société des journalistes de L’Express, Société des journalistes des Échos, journalistes et personnel de Libération (SPJL), Société des rédacteurs d’Europe 1, Société des rédacteurs de Marianne, Societe des redacteurs du Monde, Sherpa, Transparency International France, Union Syndicale Sud Culture & Médias Solidaires, Zero Waste France

Inacceptables pressions sur France Télévisions

Le collectif Informer n’est pas un délit (INPD) apporte son soutien aux journalistes Yvan Martinet, Olivier Gardette et Mélanie Laporte, auteur.e.s du reportage Gaza : une jeunesse estropiée, diffusé le jeudi 11 octobre 2018 dans l’émission Envoyé Spécial sur France 2. Notre consœur et nos confrères ainsi que la direction du magazine d’information de la chaîne publique française ont été injustement mis en cause par plusieurs institutions ou organisations israéliennes et françaises qui ont tenté sans scrupules de bloquer la diffusion de ce sujet… sans même l’avoir visionné au préalable. Ce n’est en effet qu’à la seule vue de la bande annonce de l’émission diffusée le 10 octobre, que cette grave mise en cause est intervenue :

– En milieu d’après-midi l’Ambassadrice d’Israël en France, Aliza Bin Noun, a posté sur Twitter la lettre qu’elle avait adressée à la Présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, plus tôt dans la journée. L’Ambassadrice y demandait l’annulation pure et simple du sujet qu’elle n’avait donc pas vu. Elle indiquait notamment : « il [le reportage] présente non seulement un point de vue déséquilibré par rapport à la situation à Gaza mais met également Israël en avant d’une façon très négative ». 

– Le même jour, le Consistoire central israélite de France trouvait pertinent de dénoncer dans sa propre lettre à la direction de France Télévisions « le lien existant entre la résurgence de l’antisémitisme en France et la détestation d’Israël alimentée par de tels programmes » tandis que le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) s’inquiétait dans un communiqué des conséquences de ce reportage qui « au vu de sa bande annonce (…) prend un parti-pris anti-israélien ».

Cette liste n’est pas exhaustive. Face à ces pressions choquantes sur la liberté d’informer, le collectif INPD fait siens les mots du communiqué de la Société des Journalistes de France 2 :

« En accusant ainsi a priori et sans fondement nos confrères d’adopter « un point de vue déséquilibré », de présenter une vision « très négative » d’Israël, d’« inciter à la haine d’Israël » et d’« aliment(er) l’antisémitisme » avant même d’avoir visionné le dit reportage, ces institutions se livrent à un procès d’intention inacceptable, et à une tentative d’influer sur les décisions de programmation d’une chaîne publique. Toute critique fondée et argumentée après diffusion et visionnage mérite bien sûr d’être entendue, mais la SDJ de France 2 ne saurait accepter que le professionnalisme et la déontologie des journalistes qu’elle représente soit ainsi mise en cause, a priori, de façon diffamatoire et injustifiée. »

En outre, INPD proteste énergiquement contre les propos de Meyer Habib, député UDI des Français de l’étranger ayant accusé France 2 d’acte de « propagande » et de « préparer le terrain pour de futures violences antisémites, si ce n’est un attentat contre les Juifs de France ».

Ces paroles sont aussi limpides qu’insupportables.

L’ensemble de ces pressions, amalgames et accusations ont-ils donné le feu vert aux plus extrémistes pour déverser leur haine ? Suite à la diffusion du reportage de nombreux messages d’insultes ont déferlé sur les réseaux sociaux à l’encontre des journalistes et de la présentatrice de l’émission, laquelle a même parfois reçu des menaces par courriel comme celle-ci : « [je] viendrai avec des pitts (des pitbulls ndlr). Peutue (« pute » ndlr) je vais te fesser ».

Dans ce climat délétère, le collectif INPD s’interroge :

– Comment le gouvernement d’une grande démocratie comme Israël par la voix de son Ambassadrice a-t-il pu se permettre une tentative de censure à l’encontre d’une chaîne de télévision publique d’un autre État démocratique ? Pourquoi le gouvernement français garant de la liberté de la presse n’a-t-il pas réagi à ces attaques ? Pourquoi le ministère des Affaires étrangères n’a-t-il pas rappelé à l’ordre l’Ambassadrice d’Israël ? Le collectif INPD estime que le gouvernement français doit dénoncer cet interventionnisme. Garder le silence signifierait une approbation par défaut, indéfendable.

Un silence d’autant plus risqué que ce genre d’intervention risque de se répéter, si l’on en croit les déclarations de M. Mercer-Woods, porte-parole de l’Ambassade d’Israël au Monde. Selon lui, ce type de demande serait employé à l’avenir en cas de diffusion de contenus « posant les mêmes problèmes » que ce reportage.

Le collectif INPD demande donc aux autorités françaises de réagir face à la systématisation annoncée de ce type de demande d’annulation de diffusion.

– Comment certaines institutions juives reconnues et respectées en France peuvent-elles laisser entendre qu’un travail journalistique répondant parfaitement à l’éthique de la profession favoriserait l’antisémitisme tout en étant éventuellement complice du terrorisme ? Ces sous-entendus sont inacceptables et irresponsables.

Rappelons ici qu’Envoyé Spécial est un magazine télévisuel de près de 30 ans d’existence qui enquête depuis sa naissance sur tous types de sujets d’actualité partout dans le monde. L’émission a notamment dénoncé dans de multiples reportages l’antisémitisme, la haine des Juifs et de l’État Hébreu ainsi que toutes les formes de racisme et de xénophobie. Concernant Israël et les territoires palestiniens, la rédaction n’a jamais cédé à la moindre complaisance vis-à-vis du Hamas ou de tout autre organisation laïque ou religieuse.

Rappelons enfin que la nature même du journalisme est d’être un contre pouvoir qui doit s’exercer en tout lieu, à commencer par les zones de conflits où les armées opèrent. Comme l’a si bien résumé Amira Hass, la célèbre journaliste israélienne du quotidien Haaretz, qui a vécu pendant plusieurs années dans la bande de Gaza pour y couvrir l’actualité : « Notre travail consiste à surveiller les centres de pouvoir ». Que cela plaise ou non.

Le collectif « Informer n’est pas un délit » rassemble de nombreux journalistes issus de la presse écrite, de la radio, de la télévision et de l’Internet. Il a pour vocation de mener des combats citoyens pour défendre la liberté de l’information.

Les intérêts privés avant la santé ?

L’Agence du Médicament choisit de dissimuler des informations aux patients au nom du secret des affaires.

En juin 2018, à la veille du vote de la loi sur le secret des affaires à l’Assemblée Nationale, nous interpellions le président de la République pour dénoncer le caractère nocif de ce texte porté par la majorité parlementaire.

Malheureusement, il n’aura pas fallu attendre longtemps pour voir le secret des affaires brandi au secours de certains intérêts privés.

Nos confrères des Jours (voir lesjours.fr) ont révélé ce jeudi 27 septembre comment un avocat défendant des patients, victimes de la nouvelle formule du médicament« Levothyrox »,  s’est vu opposer la loi sur le secret des affaires lorsqu’il a demandé une copie de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de ce médicament controversé fabriqué par Merck, un groupe pharmaceutique allemand.

Selon les Jours, l’avocat aurait fait sa demande le 23 avril dernier. Or, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) aurait attendu le 4 septembre pour lui répondre, expliquant que les informations demandées, jusque là accessibles publiquement, ne pouvaient désormais plus lui être communiquées dans leur intégralité, du fait de la nouvelle loi sur le secret des affaires.

C’est la première fois, que le secret des affaires est invoqué.

Cette atteinte au droit d’être informé ne vient pas d’un groupe privé. Elle est le fait d’une agence publique. C’est inacceptable !

Nous ne pouvons tolérer que la défense des intérêts d’une entreprise privée passe avant l’intérêt général, en l’espèce, la santé des citoyens. Le collectif INPD exige de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament qu’elle s’explique publiquement sur cette affaire et demande instamment au gouvernement de rendre publique l’intégralité des informations concernant le « Levothyrox ». Lors de l’adoption de la loi, un suivi de cette loi avait été promis par les parlementaires l’ayant adopté : mesdames et messieurs les élus, il est temps de passer des paroles aux actes !

Le bureau du collectif “Informer n’est pas un délit”

Secret des affaires : monsieur le Président, en marche vers la censure ?

Nous en sommes persuadés. Comme nous, vous considérez la liberté d’informer comme un pilier de la démocratie. Comme nous, vous êtes favorable à l’équilibre des pouvoirs et à l’intérêt général.

Pendant des mois, nous avons défendu ces valeurs – dont vous êtes l’un des garants – pour amender la loi sur le secret des affaires, votre loi, portée par le député Raphaël Gauvain (LREM), ancien avocat d’affaires. Ce texte sera définitivement voté le 14 juin 2018 par l’Assemblée nationale. Or, votre majorité parlementaire n’a jamais pris en compte l’engagement des 550 000 citoyens signataires de notre pétition. Elle est restée sourde aux revendications de 52 organisations et syndicats. Elle a rejeté en bloc les arguments d’une grande partie de la presse française.

Aujourd’hui, ONG, représentants des salariés dans les entreprises, journalistes, syndicats, nous sommes tous solidaires pour dire «non» à l’actuelle transposition de la Directive européenne sur le secret des affaires.

Monsieur le président de la République, faut-il rappeler ici le travail exemplaire du Dr Irène Frachon, sans laquelle il n’y aurait pas eu d’affaire Mediator ? Que dire du travail minutieux des lanceurs d’alerte, des chercheurs, des ONG et des centaines de journalistes, sans lesquels vous n’auriez jamais entendu parler des Panama Papers, des Paradise Papers, du Diesel Gate ou de l’affaire UBS ? La liste est trop longue pour que vous ignoriez l’utilité publique de ces enquêtes. Avec cette loi, elles n’auraient jamais vu le jour.

Comme toujours, le diable est dans les détails. La définition au large spectre du secret des affaires permettra aux entreprises de soustraire l’essentiel de leurs informations du débat citoyen. Les lanceurs d’alerte seront systématiquement traînés en justice, avant même de pouvoir faire la preuve de leur bonne foi. Les représentants du personnel pourront être poursuivis pour avoir diffusé des informations aux salariés. Les ONG devront démontrer qu’elles agissent pour le bien commun. Et les organes de presse pourront être assignés devant des tribunaux de commerce.

Désormais, la loi donnera aux entreprises le pouvoir de poursuivre tous ceux qui oseront révéler des informations sensibles dans l’intérêt général. Pis, avant même toute publication, elle réinstaurera une forme de censure a priori du juge, abolie en 1881 par la loi sur la liberté de la presse. Entre les mains de vos députés, cette loi constitue un outil de censure inédit. C’est une attaque sans précédent contre le droit d’informer ainsi que le droit d’être informé de manière libre et indépendante.

Monsieur le président de la République, si vous considérez la liberté d’informer comme un pilier de la démocratie, si vous êtes attaché à l’équilibre des pouvoirs et à la défense de l’intérêt général, nous ne sommes pas opposés au secret des affaires. Comme vous, nous souhaitons protéger le savoir-faire de nos entreprises et mettre un terme à l’espionnage économique entre acteurs concurrentiels. Mais c’est à ces acteurs, et à eux seuls, que le secret des affaires doit s’appliquer. Pas à l’ensemble de la société !

Nous refusons qu’une loi votée au nom du peuple soit instrumentalisée afin de bâillonner les citoyens. Nous ne pouvons accepter que des lobbys, quels qu’ils soient, dictent l’information.

Monsieur le président de la République, à l’heure où les médias n’ont jamais été aussi concentrés, à l’heure où les ONG n’ont jamais subi autant de pressions, vous ne pouvez remettre en cause le contrat historique qui unit les Français à leurs élites politiques.

En mars 1944, les représentants des organisations de résistance, des centrales syndicales et des partis politiques groupés au sein du Conseil national de la Résistance (CNR) décidaient d’assurer à la presse son indépendance «à l’égard de l’Etat et des puissances d’argent». Le CNR revendiquait l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant «l’éviction des grandes féodalités économiques et financières».

La loi sur le secret des affaires s’attaque à ce pacte fondateur. Elle met sérieusement en danger l’équilibre démocratique et constitutionnel de notre pays. Elle érige le secret des affaires en un principe général et relègue la liberté d’information au rang de simple exception, sans poser de cadre précis.

Monsieur le président de la République, nous ne pouvons l’accepter.

La procédure parlementaire n’ayant permis aucun débat public digne de ce nom, ni aucune concertation entre les partenaires sociaux, vous êtes, avec le Premier ministre, le seul à pouvoir changer le contenu de cette loi.

Si comme nous, vous considérez la liberté d’informer comme un pilier de la démocratie ; si comme nous, vous êtes attaché à l’équilibre des pouvoirs et à la défense l’intérêt général, vous devez modifier cette loi. Vous devez limiter le champ d’application du secret des affaires aux seuls acteurs économiques concurrentiels.

Liste des signataires collectifs :
Sociétés des journalistes, sociétés des rédacteurs, organes de presse et associations soutenant la presse :

Agence France Presse. Prix Albert-Londres, Alternatives économiques, Bastamag, BFMTV, Capa, Challenges, les Echos, Fakir, Europe 1, L’Express Fédération française des agences de presse, le Figaro, France 2, France 3 Rédaction nationale, France Inter, Fumigène Mag, le Journal du dimanche, le Journal minimal, les Jours, la TéléLibre, Libération,Mediacités, Mediapart, Collectif Metamorphosis,l’Obs, l’Observatoire des multinationales, le Parisien, le Point, Premières Lignes Télévision, Radio France, Reporterre, RMC, Société civile des auteurs multimédias (Scam), Slug News, Télérama, TF1, TV5 Monde, la Vie.

ONG et syndicats :
Anticor, les Amis de la Terre France, CCFD-Terre solidaire, Centre de recherche et d’information pour le développement (Crid), CFDT cadres, CFE-CGC, Collectif éthique sur l’étiquette, Crim’HALT. Fédération des finances-CGT, Fédération communication conseil culture, Fondation France Libertés, Foodwatch, Greenpeace France, Inf’OGM, Informer n’est pas un délit, le Mouvement, Nothing2hide, Notre affaire à tous, Ligue des droits de l’homme (LDH), Pollinis, Ritimo, Sciences citoyennes, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat national des journalistes (SNJ), Snesup-FSU, SNCS-FSU (syndicat national des chercheurs scientifiques), SNJ – CGT, Sherpa, Solidaires, UGICT – CGT.

Signatures individuelles, journalistes, producteurs, avocats : 
Fabrice Angotti, rédacteur en chef RMC. Fabrice Arfi, Mediapart. Manon Bachelot, journaliste Premières Lignes TV. Irène Bénéfice, journaliste-réalisatrice. Linda Bendali, journaliste-réalisatrice, Premières Lignes TV Véronique Blanc, journaliste indépendante. Lise Blanchet, journaliste, Prix Albert-Londres. Frédéric Boisset, rédacteur en chef, Brainworks. Martin Boudot, journaliste-réalisateur, Premières Lignes TV. Denis Boutelier, producteur, CAT & Cie. Félix Briaud, journaliste indépendant. Benoît Bringer, journaliste-réalisateur, Premières Lignes TV Christophe Brulé, rédacteur en chef, TSVP/MSVP. Jean-Pierre Canet, journaliste. Julie Charpentrat, journaliste. Benoît Collombat, journaliste, France Inter. Eric Colomer, journaliste-producteur, Dream Way. Caroline Constant-Baumard, journaliste, l’Humanité. Guilhem Delteil, journaliste RFI. Antoine Deltour, lanceur d’alerte. Jennifer Deschamps, journaliste KM. Elsa Dicharry, journaliste aux Echos. Aude Favre, journaliste indépendante. Emmanuel Gagnier, rédacteur en chef Premières Lignes TV. Audrey Gloaguen, journaliste indépendante. Catherine Golliau, journaliste au Point. Pascal Henry, journaliste-réalisateur indépendant. Luc Hermann, producteur Premières Lignes TV. Etienne Huver, journaliste-réalisateur. Nicolas Jaillard, rédacteur en chef, TV Presse. Mathieu Jego, rédacteur en chef, France 2. Rosa Moussaoui, journaliste à l’Humanité. Hervé Kempf, journaliste, fondateur de Reporterre. Rémi Labed, journaliste. Paul Laubacher, journaliste à l’Obs. Séverine Lebrun, journaliste, France 2. Sophie Le Gall, journaliste-réalisatrice, Premières Lignes TV. Elise Lucet, journaliste, France 2. Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac, journaliste-réalisateur. Virginie Marquet, avocate. Laurent Mauduit, journaliste, Mediapart. Marie Maurice, journaliste, Premières Lignes TV. Paul Moreira, producteur, Premières Lignes TV. Anthony Orliange, rédacteur en chef Capa. Sylvain Pak, journaliste-réalisateur. Laure Pollez, journaliste, France 2. Olivier Ponthus, rédacteur en chef, Yemaya. Delphine Prunault, journaliste-réalisatrice. Laurent Richard, journaliste-réalisateur. Premières Lignes TV Agnès Rousseaux, journaliste, Bastamag. Magali Serre, journaliste-réalisatrice. Frédéric Texeraud, producteur CAT&Cie. Emmanuelle Veil, fondatrice du Journal minimal. Romain Verley, rédacteur en chef, Premières Lignes TV. Nicolas Vescovacci, journaliste-réalisateur, Premières Lignes TV.

Secret des affaires : Un accord en catimini sur le dos de nos libertés

La Commission Mixte Paritaire (CMP) s’est prononcée jeudi 24 mai sur la proposition de loi « Secret des affaires » portée par le député Raphaël Gauvain. Les députés et les sénateurs (LR et LREM) se sont mis d’accord sur un texte proche de celui élaboré par l’Assemblée Nationale.

Aucun des amendements proposés par notre coalition pour protéger les libertés n’a été retenu, contrairement aux engagements pris par l’Elysée.

Pourtant, plus de 550 000 citoyen.ne.s ont signé une pétition dénonçant ce projet de loi et le 16 avril 52 organisations et 23 SDJ ont interpellé le président de la République.

Les parlementaires ont ainsi manifesté leur refus de circonscrire l’application du texte au vol d’informations dans un but de concurrence déloyale. Raphaël Gauvain et le gouvernement ont, au contraire, privilégié une application la plus large possible du secret des affaires.

Ainsi:

  • La définition large et floue du secret des affaires permettra aux entreprises de retirer l’essentiel des informations sur leurs activités du débat citoyen
  • Les lanceurs d’alerte devront faire la preuve de leur bonne foi devant les tribunaux
  • Les représentant.e.s du personnel pourront être poursuivis pour avoir diffusé des informations aux salarié.e.s
  • Des organes de presse pourront être poursuivis devant des tribunaux de commerce pour avoir révélé des secrets d’affaires
  • Les salarié.e.s pourront voir leur mobilité réduite avec l’interdiction d’utiliser leurs savoirs et savoirs faire, considérés comme des secrets d’affaires
  • Les délais de prescription longs et mal définis permettront des poursuites 5 ans après la révélation de secrets d’affaires

Cette loi permettra aux entreprises de poursuivre toute personne ayant obtenu ou révélé des informations sensibles. Ce texte porte gravement atteinte au droit d’informer et d’être informé des citoyen.ne.s français, en privant de source les journalistes et en privilégiant de facto l’autocensure.

Il met en danger l’équilibre démocratique et constitutionnel de notre pays en érigeant le secret des affaires en un principe général et en reléguant la liberté d’information au rang de simple exception.

Alors que la proposition de loi sera soumise au vote final des parlementaires dans le courant du mois de juin, nous les interpellons solennellement: ne votez pas ce texte en l’état, ne laissez pas les entreprises dicter l’info!

Secret des affaires – Rassemblement le lundi 16 avril à République

Alors que la pétition stopsecretdaffaires.org a déjà recueilli 350 000 signatures, la proposition de loi sur le secret des affaires sera débattue en séance publique au Sénat mercredi 18 avril.

Demain, lundi, la coalition contre le secret des affaires qui regroupe plus de 50 associations, syndicats et personnalités, a décidé de rendre publique lundi à 12h une lettre ouverte signée par la quasi majorité des SNJ pour interpeller Emmanuel Macron sur la proposition de loi sur le secret d’affaires.

Une conférence de presse à 11h30 pour présenter la lettre ouverte au café Les Parigots, 5 rue du Château d’eau 75010 Paris

Seront notamment présents à la conférence de presse :

  • Pablo Aiquel, Snj-GCT
  • Eric Beynel, porte-parole de Solidaires
  • Sophie Binet, co-secrétaire générale de l’UGICT-CGT
  • Hacène Hebbar, POLLINIS
  • Elliot Lepers, Le Mouvement
  • Edouard Perrin, Collectif Informer n’est pas un délit
  • Dominique Plihon, Porte-parole d’Attac
  • Dominique Pradalie, secrétaire générale du SNJ
  • Laura Rousseau, SHERPA
  • Malik Salemkour, président de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH)
  • Laurène Bounaud, Transparency International France
  • Jérôme Karsenti, Syndicat des avocats de France

Cette conférence de presse sera suivie d’un rassemblement à 12h place de la République.

Nous avons besoin de vous TOUS demain à 12h, place de la République. Le temps de montrer que nous sommes TOUS mobilisés contre la loi sur le secret d’affaire, qui nous concerne TOUS TOUS TOUS. Faites circuler l’info autour de vous. Venez accompagnés. De vos collègues, de vos caméras, de vos appareils photos, etc.

C’est le moment ou jamais! Après, il sera trop tard.

A demain!

Le bureau d’Informer n’est pas un délit (INPD)

Loi secret des affaires : la liberté de l’information doit primer !

La directive européenne sur le secret des affaires, adoptée en 2016 malgré la campagne du collectif Informer n’est pas un délit aux côtés de nombreuses associations, ONGs et citoyens, est sur le point d’être transposée en droit français via une procédure accélérée. Une proposition de loi en ce sens sera examinée lundi 27 mars en séance plénière de l’Assemblée nationale.

Le collectif Informer n’est pas un délit s’inquiète vivement de cette mise en danger des lanceurs d’alerte, des journalistes et de la révélation d’informations d’intérêt public nécessaires aux citoyens et à la vie démocratique du pays.

Dans sa définition en l’état, extrêmement large, le secret des affaires deviendrait une arme juridique contre la révélation d’informations sensibles d’intérêt public par les lanceurs d’alertes et les journalistes. Le secret des affaires doit donc être limité au strict cadre d’une concurrence économique entre entreprises. Dans le cas contraire, les citoyens seraient privés d’information sur des pans entiers de la vie économique, sociale et politique de notre pays.

Dans cette proposition de loi, c’est la personne qui révèle un « secret d’affaires » qui doit prouver sa bonne foi en amont, montrer qu’elle agit selon une démarche d’intérêt public. Il s’agit là d’un recul majeur qui impose le soupçon systématique a priori sur les lanceurs d’alerte.

Mediator, Luxleaks, Crédit-Mutuel… Avec une telle arme juridique, les sociétés mises en cause dans bon nombre d’affaires auraient sans doute réussi à bloquer les révélations les concernant. C’est un danger pour les sources et les lanceurs d’alerte. C’est aussi une pression juridique et financière sur les organes de presse qui subissent déjà des procédures-baillons de plus en plus nombreuses.

Avec ce texte, le juge du tribunal de commerce saisi par l’entreprise deviendrait le rédacteur en chef de la nation, appelé à se prononcer sur l’intérêt public ou non d’une information. C’est l’accélération d’une dynamique liberticide déjà en cours, celle d’un contournement du droit de la presse par le droit commercial. Le mois dernier, l’hebdomadaire Challenges a ainsi été assigné devant le tribunal de commerce de Paris par Conforama, dont il avait révélé les difficultés économiques. Condamné, Challenges a dû retirer l’article de son site internet, le tribunal ayant jugé que l’information n’était pas « une question d’intérêt général ».

Aux côtés de Pollinis, Transparency International, UGICT CGT, SNJ CGT, Sherpa, Sciences citoyennes, Syndicat des avocats de France (SAF) et Bastamag, le collectif Informer n’est pas un délit avance donc une série d’amendements, dont les deux principaux ont pour objet la limitation du champ d’application de la loi à la concurrence économique, et le renversement de la charge de la preuve.

Ces amendements ont été portés à la connaissance du rapporteur de la loi Raphael Gauvain (député La République en Marche) ce lundi 19 mars par Nicolas Laarman de Pollinis et Edouard Perrin, Président de notre collectif. Le député a relevé nos inquiétudes, écouté nos propositions d’amendements sans opposer d’objection sur le fond ni mentionné d’incompatibilité avec la directive européenne.

Nous serons très attentifs à ce que la loi respecte le droit à l’information des citoyens et ne devienne pas une arme redoutable pour empêcher les lanceurs d’alerte d’agir. Les dérogations prévues sont aujourd’hui largement insuffisantes, la proposition de loi faisant du secret d’affaires un principe, et de la révélation d’informations d’intérêt public l’exception.

Nous invitons tous les citoyens à s’associer, comme le fait le collectif Informer n’est pas un délit, à une pétition d’ores et déjà adressée à l’ensemble des députés. Il est indispensable que la transposition de cette directive ne fragilise pas davantage la liberté de l’information, pilier essentiel de notre démocratie.

Pétition: Loi secret des affaires: ne laissons pas les entreprises imposer la loi du silence !

Affaire Luxleaks : le secret des affaires passe avant le secret des sources !

Une entreprise a-t-elle le droit d’aller faire perquisitionner chez l’un de ses salariés afin de l’empêcher de continuer à communiquer des documents d’intérêt public à un journaliste ?

Si l’on en croit le Président du Tribunal de Grande Instance de Metz, la réponse est oui :
– Oui, une entreprise peut accéder à la correspondance du salarié, y compris celle qu’il entretient avec un journaliste.
– Oui, une entreprise peut tarir la source d’un journaliste et ainsi empêcher la diffusion de documents, même si leur publication va clairement dans le sens de l’intérêt général.
– Et oui, l’entreprise peut donc faire primer le secret de ses affaires sur le secret des sources.

Ainsi le mardi 6 février 2018, le journaliste Edouard Perrin a été débouté par le TGI de Metz dans son assignation en référé contre PriceWaterhouseCoopers (PWC) Luxembourg. (lire l’ordonnance

Le reporter de l’émission Cash Investigation, à l’origine des révélations du scandale LuxLeaks, avait entrepris cette action en justice pour dénoncer une violation manifeste du secret des sources par le cabinet PWC, ce dernier ayant demandé la saisie de la correspondance d’Edouard Perrin et de Raphaël Halet, l’un des deux lanceurs d’alerte à l’origine de l’affaire LuxLeaks.

Précisons que le Procureur de la République avait fait la même analyse. Il avait clairement conclu qu’il s’agissait d’une violation manifeste du secret des sources et qu’il fallait annuler la procédure qui avait permis cela.

Manifestement Pierre Wagner, le Président du TGI de Metz, n’en a tenu aucun compte et a repris pour l’essentiel les arguments de l’entreprise. Y compris les plus farfelus, comme prétendre que le journaliste Edouard Perrin n’avait aucun intérêt légitime dans cette affaire. En oubliant que la fonction première du journalisme consiste à révéler des informations d’intérêt public et que, par ailleurs, Edouard Perrin est également président du Collectif Informer n’est pas un délit (INPD).

Débouté, le journaliste est en outre condamné à verser 3000 euros afin de rembourser les frais de justice engagés par PWC ! Un comble… en plus d’une très grave atteinte au secret des sources illustrant les dangers concrets que fait peser le secret des affaires, sur le droit à l’information.

Edouard Perrin entend faire appel de la décision. Le bureau du Collectif INPD lui apporte son soutien sans réserve.

Le bureau du collectif “Informer n’est pas un délit”

Secret des affaires: Quand Conforama fait censurer un journal

La liberté d’enquêter sur les entreprises en difficulté s’arrête aux portes des tribunaux de commerce

Peut-on encore enquêter en France sur les entreprises en difficulté ? Pour la justice française, c’est non. Le secret des affaires prévaut sur le droit de savoir. Et sur le devoir d’informer. Le tribunal de commerce de Paris vient de censurer le magazine Challenges qui avait eu le malheur de faire son travail, c’est-à-dire de révéler qu’une grande enseigne avait été placée sous mandat ad hoc, une procédure normalement confidentielle et qui permet aux entreprises craignant un dépôt de bilan d’être épaulées par un administrateur judiciaire.

Saisi en référé, le tribunal a jugé que le magazine devait retirer l’article litigieux de son site internet sous astreinte de 10 000 euros au motif non pas que cette information était fausse, mais parce qu’elle n’était pas « une question d’intérêt général ». Et ce pour la raison qu’« aucun autre support d’information écrite » ne l’avait « relayée », avalisant de fait sa « confidentialité ».

Plus grave, ces attendus s’appuient sur une jurisprudence récente de la Cour de cassation qui considère les entreprises comme des personnes à protéger face aux enquêtes journalistiques. En décembre 2015, la haute juridiction mettait en avant « les droits et libertés des entreprises recourant à [des procédures de prévention des difficultés] » et estimait que le « caractère confidentiel » de ces procédures pouvait faire « obstacle à leur diffusion par voie de presse ». En mars 2014, elle estimait que « la divulgation d’informations confidentielles » sur une entreprise pouvait causer de « profondes perturbations » à « la liberté d’entreprendre ».

Rappelons, à toutes fins utiles, que les entreprises font partie de la société et qu’informer sur leur –mauvaise– santé ne relève pas de l’espionnage industriel (argument souvent brandi par les défenseurs du secret des affaires). Ce n’est pas au juge saisi par l’entreprise de devenir le rédacteur en chef de la nation, et de décider de l’intérêt ou non d’une information.

En espérant que cette jurisprudence change et que Challenges obtienne gain de cause en appel, il y a un moyen très simple d’inciter les entreprises à ne pas vouloir censurer les journalistes : les exposer.

Le collectif “Informer n’est pas un délit”